Interview de Jonathan Muster, GESV
Chef de groupe à l’exploitation des services de santé ambulatoires à la section GESV, Jonathan Muster est infirmier anesthésiste de formation. Lorsqu’il a été contacté, c’est tout naturellement qu’il s’est engagé au sein des soins intensifs dédiés au traitement des patients atteints du COVID-19 à l’hôpital de Pourtalès à Neuchâtel.
Comment avez-vous été engagé en tant que personnel de renfort?
Lors d’une conférence de presse du Conseil fédéral, le CF Alain Berset a recommandé à la population de se mettre à disposition. En tant qu’infirmier anesthésiste, je me sentais donc prêt au moment où l’on m’a contacté de manière un peu aléatoire. Cela faisait cinq ans que je n’avais plus travaillé dans les soins aux patients.
Quel était votre rôle?
J’ai travaillé aux soins intensifs, dans l’équipe de nuit, composée d’infirmiers et infirmières spécialisés et de médecins intensivistes. Notre travail consistait à prendre en charge les patients qui étaient en détresse respiratoire et devaient donc être ventilés. Une fois le diagnostic COVD-19 posé, nous procédions à l’installation des patients, leur anesthésie puis intubation pour la mise sous respiration artificielle, et leur médication. Le travail était sans relâche : assurer les fonctions vitales, nourrir par un système de sonde relié directement à l’estomac, évacuer les urines, surveiller, adapter les réglages des multiples appareils à l’évolution des patients.
Deux à trois discussions journalières au sein de l’équipe permettaient de fixer nos objectifs et d’adapter le système de soins au fur et à mesure. Cela donnait une grande autonomie que j’ai appréciée.
Comment ont évolué les patients?
Au début, les patients étaient plus jeunes que lors de la deuxième vague ; leur état de santé a pour la plupart bien évolué au bout de dix à quinze jours.
La chance de survie était par contre plus faible pour les plus âgés – de 70 à 90 ans – qui sont arrivés dans un second temps.
Comment avez-vous concilié cette activité extraordinaire avec votre travail à l’OFS?
Nous avons très bien pu nous arranger avec mon chef de section, Jacques Huguenin. Comme je travaillais de nuit et principalement le week-end à Pourtalès, j’ai intercalé des journées de repos dans mon agenda. Je recevais mon programme le jeudi et pouvais m’organiser en conséquence.
J’ai travaillé en tout six, sept nuits à l’hôpital, pour soigner une trentaine de patients.
Comment était l’ambiance dans la cellule de vigilance COVID-19?
L’entente et l’entraide étaient très bonnes entre soignants.
Les conditions étaient particulières dans la salle de réveil transformée pour accueillir onze lits. J’étais actif dans cette «bulle» par shift de 12 heures, dont je ne sortais que pour une brève pause-café (je ne mange pas la nuit). L’organisation était lourde : habits, masques de protection FFP2 ou FFP3 inconfortables, voire blessants… tout un équipement qui limite- et décourage! – les sorties.
Vous êtes-vous senti en danger?
Non, la prise de risque est moindre dans ces conditions de protection extrême!
Quel bilan tirez-vous de cette expérience?
Comme la plupart, je ne voulais pas rester les mains dans les poches mais plutôt apporter ma contribution dans ce que je sais faire.
Nous avons tous fait notre job dans cette crise, parfois par des gestes simples mais efficaces; je pense par exemple à ces entreprises qui ont livré des chocolats aux équipes de soins.
L’OFS a bien sûr aussi joué son rôle, entrepris des actions extraordinaires, en protégeant ses collaborateurs et collaboratrices, en intensifiant les mises à jour de ses pages Internet portant sur la thématique du COVID-19 afin d’offrir des données utilisables pour comprendre et piloter la pandémie. Nous avons tous contribué à limiter l’impact de la crise, nous devons maintenant apprendre à vivre avec ce virus en adaptant notre manière de travailler, de nous déplacer, de consommer. Seules ces actions permettront d’éviter que je retourne soutenir les équipes dans leurs soins aux patients.