Elle était restée bien sombre en cette période de télétravail obligatoire. Pas une fenêtre illuminée témoignant de la présence de collègues au-delà du crépuscule. Vitres noires surplombant l’Espace de l’Europe presque désert.
Et puis, à la fin mars, elle s’est soudain illuminée, se parant de visages, de silhouettes colorées arpentant une métropole géométrique. Grâce à l’artiste neuchâteloise Catherine Gfeller, la tour de l’OFS s’est transformée en un gigantesque écran accueillant quatre soirs de mars la projection vidéo ChiNEse WomEN.
ChiNEse WomEN
Le projet de portraits de femmes chinoises, dont l’origine remonte à 2016, est issu d’une volonté de l’ambassade de Suisse à Pékin à l’occasion des 70 ans des relations bilatérales entre la Suisse et la Chine; elle avait reçu carte blanche. Mais l’exposition itinérante de projection vidéo initialement prévue dans différents musées des mégapoles chinoises a été suspendue en raison du COVID-19. Cependant, grâce à un appel à projets de la Ville de Neuchâtel, la voici qui se pose sous une autre forme: un triptyque regroupant trois façades emblématiques habillées d’un écran géant : celle du château de Valangin, du Musée d’art et d’histoire MAHN et celle de la tour de l’OFS.
Du 24 au 28 mars, on y a vu défiler des portraits de femmes chinoises (principalement) et neuchâteloises, évoquées dans le titre ChiNEse où le «NE» du canton se glisse pour le compléter.
Le témoignage par l’image
Née à Neuchâtel, Catherine Gfeller y a fait ses études avant d’être happée par les grands espaces de la Californie. La Vallée de la Mort sera une révélation: la diplômée en langues et histoire de l’art, passionnée de peinture, expérimente la photographie qui ne la quittera plus. «Les choses se passent à mon insu» confie l’artiste qui se laisse guider d’une ville à l’autre – New York, Paris, Berne, Pékin, pour n’en citer que quelques-unes – par l’appareil photo comme par une entité propre. Il devient son partenaire omniprésent, son outil de travail, son interprète en territoire hostile.
Par le biais de sa «camera» (qui évoque en anglais autant la photographie que la vidéo) , l’artiste accède à l’univers des femmes chinoises dans un dialogue au-delà des obstacles linguistiques. Elles l’emmènent dans les lieux préférés de leur ville et laissent leur imaginaire s’exprimer dans le silence de l’image. Dans des situations apparemment banales, ces femmes parlent du monde – de leur monde – à travers leur corps, leur allure, leur attitude qui traduisent leurs sensations.
Une démarche féministe apolitique: «Je préfère faire avancer la cause des femmes par mon langage d’artiste qui se veut poétique, dans l’évocation, la fiction, plutôt que de monter aux barricades.»
Car pour Catherine Gfeller, «L’expression artistique s’adresse directement aux autres, à leurs pensées, leurs émotions, leur inconscient. C’est là sa force.»
Ces témoignages en silence se sont fait entendre entre autres sur la tour de l’OFS qui a accueilli exclusivement des photos fixes (l’ordonnance de l’Office fédéral des routes interdit les images mobiles près du passage d’automobilistes) prises à Hong Kong. «J’ai trouvé qu’il y avait un lien entre la gare, ses passants et Hong Kong.» Amoureuse des mégapoles, Catherine Gfeller a été séduite par l’architecture contemporaine de notre tour qui semble se refléter dans certaines images hongkongaises.
Femme chinoise, femme neuchâteloise: des images qui s’entremêlent
La différence entre les deux est moindre, à tel point que les gens se sont trompés. «J’ai filmé ici une amie au milieu des branches-lianes d’un saule pleureur; tout le monde croit qu’il est typiquement chinois! J’aime jouer avec les ressemblances et les dissemblances».
En les faisant dialoguer, l’artiste a surtout fait émerger leur langage commun.
Photos du site tour OFS
© Catherine Gfeller
Photos du site Musée d’art et d’histoire MAHN
© Catherine Gfeller
Photos du site Château de Valangin
© Catherine Gfeller
Celles et ceux d’entre vous qui ont vu les projections auront sans doute ressenti cette universalité.
Suite à l’information du 22 mars sur les projections dans l’intranet, nous nous sommes retrouvés spontanément entre collègues à braver le froid, ravis de cette rencontre hors les murs de notre office parmi d’autres passants masqués, les yeux levés vers la tour qui nous offrait un spectacle haut en couleurs bienvenu en cette période de disette culturelle.
Un aperçu est disponible sur le site de l’artiste catherinegfeller.com
Vous pourrez également découvrir sa sculpture monumentale «Linglang» à Môtiers 2021 – Art en plein air, du 20 juin au 20 septembre 2021.
Le clin d’œil statistique
Les dernières données (2019) estiment à 3000 (dont un tiers de femmes) le nombre de personnes actives dans la photographie.
Profession exercée (nomenclature CH-ISCO-19) selon le sexe et la nationalité
Quelque 7 000 personnes (3000 femmes et 4000 hommes) déclaraient (en 2019) avoir appris cette profession, sans forcément l’exercer.
Profession apprise (nomenclature CH-ISCO-19) selon le statut sur le marché du travail, le sexe et la nationalité
En tant que collaboratrice ou collaborateur de l’OFS, vous comptez la photo parmi vos hobbies?
Sachez qu’en 2019, 25% de la population suisse pratiquait la photographie en amateur, selon la publication Les pratiques culturelles en Suisse